Samedi
9 juillet 2005. J’apprends par la télévision la mort de
Claude Simon. Suit une brève séquence d’archives, où le
romancier est interviewé chez lui (sans doute en 1985, après
le Nobel). Il ne parle pas de son travail, mais… de Flaubert.
Je cite de mémoire : « Madame Bovary a-t-elle trompé
son mari ? ce n’est évidemment pas ce qui nous intéresse.
Ce qui nous intéresse dans Madame Bovary, c’est que
c’est magnifiquement écrit. »
La transcription des brouillons permet de suivre au plus près
cette recherche exigeante du style, de mieux comprendre le
travail de Flaubert. A cette échelle d’observation tout
devient intéressant. Le texte peu à peu s’épure et se
densifie, la phrase trouve son rythme. Avec ces transcriptions
j’ai retrouvé les problèmes du style que j’avais eu
l’occasion d’aborder au cours de mes études à
l’Université de Haute-Bretagne.
Flaubert a beaucoup élagué, pourtant les versions successives
peuvent aussi être intéressantes (y compris parfois du point
de vue du style) et, pour le transcripteur, la version définitive
conserve en filigrane la trace des versions antérieures.
Je ne relirai plus de la même façon l’enterrement d’Emma,
maintenant que je connais les « fantômes » du
texte. Pour partager ce « privilège » avec
d’autres lecteurs, je me prends à rêver d’une autre Madame
Bovary qui pourrait intégrer certains éléments supprimés,
qui suivrait d’autres pistes, explorées par l’auteur puis
abandonnées.
Ainsi,
dans les séquences que j’ai transcrites, Justin occupe une
place importante ; de nombreux brouillons lui sont consacrés,
mais Flaubert n’a gardé que peu de choses. Il en est
probablement de même pour les autres passages où ce personnage
apparaît. Les transcriptions permettront justement (par
exemple) de vérifier cela, de rassembler les éléments épars
qui ont permis la construction de ce personnage attachant, peu
loquace et qui voue à Emma un culte où n’entre aucun calcul.
En consacrant du temps à ces transcriptions, j’ai pu établir
une relation nouvelle avec un auteur que je fréquente depuis
longtemps. Justin, qui après la mort d’Emma s’est enfui à
Rouen, est venu enrichir ma « géographie flaubertienne »,
selon laquelle Félicité habite toujours à Pont-L’Evêque et
qui fait que je ne peux passer sur le boulevard Bourdon sans
penser à Bouvard et à Pécuchet.
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